Variation séculaire du champ magnétique terrestre
On appelle variation séculaire, le lent changement du champ magnétique terrestre sur des périodes allant de quelques années à des millénaires. Elle a été découverte en 1634, par Henry Gellibrand qui a comparé ses observations de la déclinaison magnétique à Londres à des observations précédentes. Les observations de la déclinaison magnétique effectuées à Londres pendant plusieurs années sont un des meilleurs registres de la variation séculaire.
La figure montre que la déclinaison est passée d'environ 10° E, à la fin du XVIe siècle, à 25° W, au début du XIXe siècle, pour passer à 3° W, à l'heure actuelle.
Tous les éléments du champ magnétique, et non seulement la déclinaison, varient avec le temps. Par exemple, l'intensité totale mesurée à Toronto a diminué de 14%, passant d'environ 64 000 nT à 55 000 nT, pendant les 160 dernières années.
La carte montre la variation annuelle (soit la variation séculaire sur une année) de la composante verticale du champ magnétique.
Ces trois figures illustrent deux aspects importants de la variation séculaire : cette variation n'est pas stable, aussi bien dans le temps que dans l'espace. La moyenne annuelle de la variation de la composante verticale en valeur absolue (sans signe) est d'environ 45 nT/a. La carte, toutefois, montre des zones de variation séculaire intense, appelées foyers isoporiques, où la variation peut être quatre fois supérieure. La variation séculaire aux foyers isoporiques les plus intenses dépasse 170 nT/a (en décroissance).
Les analyses concluent que trois processus expliquent la plus grande partie de la variation séculaire :
- une diminution de l'intensité de la partie dipolaire du champ magnétique,
- une dérive vers l'ouest de la partie non dipolaire du champ magnétique,
- des changements dans la partie stable du champ non dipôle.
Si l'on compare la partie dipolaire des modèles du champ magnétique fondés sur les harmoniques sphériques, calculés pour différentes années, on constate que l'intensité du dipôle s'est atténuée depuis le début du XIXe siècle. Les données archéomagnétiques ont montré que cette baisse se poursuit en réalité depuis les derniers deux mille ans et que la force actuelle du dipôle ne représente que la moitié de sa valeur d'il y a deux millénaires. La force du dipôle décroît actuellement de 6,3 % par siècle; si la décroissance continue à ce rythme, elle sera de zéro dans environ 1 600 ans. Elle pourrait se mettre à augmenter de nouveau au cours des prochaines décennies.
Au début du XVIIIe siècle, Edmund Halley a remarqué que la ligne agonique (on dit parfois agonale), c'est-à-dire la ligne de déclinaison nulle sur une carte de la déclinaison, se déplaçait lentement vers l'ouest. Depuis, il est bien établi que certains éléments de la variation séculaire, comme les foyers isoporiques, tendent à dériver vers l'ouest à une vitesse moyenne d'environ 0.2E/a. Cette dérive vers l'ouest n'est cependant pas égale partout. Elle est plus forte dans l'hémisphère atlantique que dans l'hémisphère pacifique. Depuis les 150 dernières années, elle est également moins rapide que la moyenne en Amérique du Nord.
Certains éléments du champ géomagnétique ne dérivent pas; ils semblent croître et diminuer à peu près au même endroit. Une particularité persistante du champ géomagnétique au Canada consiste en un maximum d'intensité totale de vaste étendue plus ou moins centré sur le nord du Manitoba. Les observations de la force magnétique totale réalisées au cours de la première moitié du XVIIIe siècle montrent qu'il était déjà présent. Certaines observations indiquent qu'il pourrait s'agir d'une caractéristique semi-permanente du champ géomagnétique qui pourrait exister depuis des millions d'années. Depuis le milieu du XIXe siècle, la valeur du maximum a diminué rapidement, quoique la position de son centre est demeurée à peu près stationnaire. On peut constater sur la figure 13 une baisse de plus de 4 000 nT pendant le XXe siècle.
La variation séculaire, comme le champ magnétique lui-même, provient du noyau externe de la Terre et est une conséquence directe du processus par lequel le champ est produit. Il est probable que plusieurs autres mécanismes soient en action, ce qui se traduit par des changements sur des périodes différentes, dont la plupart peuvent être décrits à l'aide des trois processus mentionnés plus haut. Une des variations séculaires la plus intéressante est le saut de variation séculaire, découvert par un groupe de chercheurs français (Courtillot et al., 1978) qui ont remarqué que les données de plusieurs observatoires magnétiques montraient que la tendance des variations séculaires d'avant 1969 différait beaucoup de celle d'après 1969. Ce changement de tendance était très visible dans la composante orientale du champ magnétique mesurée dans les observatoires européens, mais était détectable par la plupart des observatoires de la planète et s'est produit partout, à peu près au même moment.
La figure suivante est formée de trois graphiques :
- variation d'une composante du champ magnétique en fonction du temps;
- le changement dans la variation séculaire en fonction du temps (en considérant les changements d'une année à l'autre du premier graphique) - le changement subit de la pente à l'année 0 est caractéristique d'un saut;
- le changement de la variation séculaire en fonction du temps, où le saut apparaît comme une variation discrète - l'accélération est constante avant le saut et après, mais sa valeur est différente.
Depuis la découverte du saut de 1969, les chercheurs ont décelé cinq autres sauts planétaires, au courant du XXe siècle : en 1901, 1913, 1925, 1978 et 1992. Les deux dernières, ainsi que celle de 1969, sont visibles dans la figure qui montre la variation annuelle de la déclinaison, observée à l'observatoire magnétique de Meanook, au nord d'Edmonton.